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7) Défi des High Sierra – Un tiers du PCT accompli

  • Photo du rédacteur: Yann Roma
    Yann Roma
  • 15 mai
  • 8 min de lecture

Lors de l’ascension du col Muir
Lors de l’ascension du col Muir

Me voilà donc à Kennedy Meadows South, le début des High Sierras. L’une des plus belles sections de tout le Pacific Crest Trail. J’attendais ce moment avec impatience.


Avant de me lancer, j’ai passé deux jours à Kennedy Meadows South pour me reposer un peu, laver mes vêtements, remplir mon estomac et me préparer pour les High Sierras.


La préparation inclut plusieurs choses, à commencer par la nourriture. Randonner dans les High Sierras signifie qu’on est constamment en montagne, loin de toute civilisation. On est en pleine nature, et il n’y a strictement rien autour. Pas même de réseau. Si on veut retourner vers la civilisation, par exemple pour acheter de la nourriture, il faut souvent marcher longtemps, et la plupart du temps franchir un col. Mon groupe et moi avons décidé de passer le Kearsarge Pass lors du 6ème jours et d’aller à Bishop, grâce à un « trail angel », pour s’y ravitailler. Cela signifie transporter de la nourriture pour 6 jours plus 1 ou 2 jours de réserve. Et tout cela doit rentrer dans mon sac à dos.


Ensuite, le matériel. Lorsque j’ai commencé le PCT, il n’y avait pas beaucoup de neige dans les High Sierras. Mais pendant que j’étais encore dans le sud de la Californie, il y a eu plusieurs épisodes de précipitations. Et comme je marchais un peu plus que la moyenne chaque jour, je suis arrivé relativement tôt à Kennedy Meadows South. Seul un groupe de deux personnes était parti dans les Sierras avant nous. D’après leur retour, il y avait encore pas mal de neige. Il était donc impensable de partir sans « microspikes » (les petits crampons), ni piolet. Je m’étais déjà fait envoyer ce matériel à Kennedy Meadows South après avoir gravi le San Jacinto. J’ai aussi acheté des chaussettes « Sealskinz » qui gardent les pieds étonnamment secs en marchant dans la neige et protègent bien du froid. Pour cette section du PCT, un « bear canister » (littéralement une boîte à ours) est aussi obligatoire, pour protéger la nourriture des ours. J’ai aussi pris une batterie externe supplémentaire, car j’utilise mon téléphone avec l’application « FarOut » pour la navigation, et il me faut donc pouvoir le recharger, ainsi que ma lampe frontale, puisqu’on marche souvent de nuit. Encore un peu de poids en plus.


Il n’y a pas grand-chose à Kennedy Meadows South. Pour nous, les randonneurs, il y a deux endroits où camper et se restaurer. Dans l’un d’eux, ils servent des burgers gigantesques (le plus gros que j’aie jamais mangé). Et le matin, c’est pancakes à volonté. On en a bien profité pour faire le plein d’énergie.


On était tous un peu nerveux (surtout à cause de la neige), mais très enthousiastes pour les jours à venir. À cause de la neige, on a décidé de commencer à marcher très tôt le matin, donc en pleine nuit. Le premier jour, il n’y avait pas encore trop de neige, mais on a quand même démarré tôt pour s’habituer au rythme. Le début était plutôt tranquille, une montée douce, puis on a vu pour la première fois les montagnes enneigées. Après la pause de midi, la pente est devenue plus raide et on a enfin trouvé de la neige. Elle était encore bien dure, donc pas trop difficile à marcher. Ensuite, on est redescendu un peu et on a trouvé un bon spot sans neige pour passer la nuit.


Le deuxième jour était assez similaire. Le temps était magnifique, la neige bien dure, et on a encore trouvé un superbe endroit avec une vue incroyable. On a même fait un petit feu, super agréable.


Le troisième jour, on n’a fait que marcher dans la neige. Ce jour-là, le lever de soleil était particulièrement beau. On était un peu plus en altitude et avions donc une vue splendide sur les montagnes et les vallées. À cause de la neige, on a remarqué qu’on avançait plus lentement que prévu, et on a dû raccourcir l’étape de 3 à 4 miles. Ce jour-là, on a vraiment compris ce que signifie « postholing », soit enfoncer chaque pas dans la neige jusqu’au genou, voire jusqu’aux hanches. Quand la neige est molle ou fondue, elle ne porte plus le poids du corps, et chaque pas devient un effort considérable. C’est épuisant et frustrant. À la bifurcation vers le Mount Whitney, on a installé nos tentes à un endroit incroyable. Le Mount Whitney est le plus haut sommet des États-Unis (hors Alaska), avec plus de 4 400 m d’altitude. Mais il y avait trop de neige et les prévisions météo n’étaient pas favorables, alors Oliver et moi avons décidé de ne pas tenter l’ascension. Le sommet n’est pas directement sur le PCT, mais beaucoup de randonneurs y montent de nuit pour y voir le lever du soleil. Le lendemain, on a donc continué vers le Forester Pass, très connu sur le PCT. Comme certains de notre groupe voulaient tenter le Whitney (mais ils ont échoué : trop de neige), et d’autres étaient plus lents, nous nous sommes retrouvés à deux.


Quand on est partis, il a neigé pendant deux heures. Le sentier passait par une forêt, la navigation était difficile, et on s’enfonçait régulièrement jusqu’aux genoux. Surtout près des arbres tombés ou des gros rochers, où la neige ne tient pas. Remonter à chaque fois avec tout le poids du sac, c’est vraiment épuisant. Quand il a commencé à faire jour, on est sortis de la forêt, et là, la neige était bien meilleure : 10 cm de poudreuse fraîche sur une base dure. Petit à petit, on s’est approchés du col. On a vu une paroi rocheuse, avec un petit couloir à gauche et un plus grand à droite. Juste avant le col, la pente s’est raidie. J’étais devant, comme souvent, car j’ai plus d’expérience et je m’occupe de la navigation. En zigzaguant, je suis monté vers le grand couloir. Mais en vérifiant notre position, j’ai vu qu’on était trop à droite. Étrange. J’ai demandé à Oliver de vérifier aussi, et selon « FarOut », on devait monter en zigzag au milieu de la paroi rocheuse et traverser le petit couloir tout en haut. On s’est regardés, un peu perplexes. On a donc fait demi-tour, approché la paroi, et en effet, il y avait un sentier qu’on ne voyait pas d’en bas. En été, ce chemin est large et bien visible, mais avec la neige, il était plus étroit. La neige était bonne, on pouvait y faire de belles marches, on se sentait en sécurité. La traversée du petit couloir (15 m) s’est bien passée, pas à pas, en gardant notre calme. Et on est arrivés au sommet du col, le point culminant du PCT : 4 009 m. De l’autre côté, on n’a d’abord rien vu, tout était blanc. Mais on savait que le sentier n’était pas dangereux de ce côté-là. Ensuite, on a vu des rochers, des arbres, etc. Il ne restait plus qu’à descendre jusqu’au campement prévu. Les derniers kilomètres étaient encore en forêt, donc de nouveau de la neige molle et des jambes qui s’enfoncent. On a continué, pas après pas, jusqu’à l’arrivée. Une longue journée, mais on était fiers. Un jour qu’on n’oubliera pas. Une fois les tentes montées, il s’est remis à neiger. Beaucoup penseraient au froid, à l’humidité… Mais pour moi, c’était magnifique. J’étais bien équipé contre le froid, et la neige donnait une ambiance paisible, douce. Une tente enneigée, au milieu de la forêt, avec un ruisseau à côté. Je me sentais vraiment bien et j’ai savouré le moment.


Le lendemain, on a franchi le Kearsarge Pass, puis une personne nous a emmenés jusqu’à Bishop, où on s’est reposés. Cette première partie des High Sierras était vraiment impressionnante. Mais on savait que le meilleur, ou le plus difficile, restait à venir. Car il nous restait six cols à franchir entre Kearsarge Pass et Mammoth Lakes. Tous à plus de 3 000 m d’altitude.


Pour revenir sur le sentier, il a d’abord fallu repasser le Kearsarge Pass. Et le même jour, on a aussi fait le premier des six cols : le Glen Pass. Un col plutôt facile, avec une magnifique vallée et des lacs gelés de l’autre côté. Dans cette section, il y a d’innombrables lacs. La plupart encore gelés, mais parfois on peut voir l’eau. Ce jour-là, j’ai vu un trou dans la glace, et je n’ai pas pu résister : j’ai pris un bain glacé. Avec le décor et le soleil, c’était parfait. Quelques miles plus tard, on a atteint notre campement. Souvent, on redescend assez bas pour sortir de la neige et camper à l’abri, avant de monter le col suivant le lendemain.


Le deuxième jour, on a franchi le Pinchot Pass. De l’autre côté, près d’un ruisseau, on a vu pour la première fois des traces d’ours dans la neige. Probablement de la veille.


Ensuite est venu le col le plus difficile : le Mather Pass. Probablement l’endroit le plus raide du PCT, surtout avec de la neige. La montée était droite, très raide, mais avec les « microspikes », ça s’est bien passé. Ensuite, il a fallu traverser une pente. Ce n’était pas un col très haut, mais très raide. Et bien sûr, aucune trace (les deux personnes passées avant nous avaient vu leurs traces effacées par la neige). On a donc dû faire notre propre chemin. J’ai mené, pas à pas, dans le calme de la nuit, sous les étoiles. Arrivés au sommet, on était euphoriques, physiquement et mentalement, un vrai défi, mais brillamment surmonté. Un autre moment qu’on n’oubliera pas.


Les autres cols (Muir Pass, Selden Pass et Silver Pass) étaient bien plus faciles et chacun avait son charme. Il y avait aussi de plus en plus de ruisseaux à traverser. Il n’y a des ponts que sur les plus gros ; pour les autres, il faut se débrouiller. Parfois, il y a des troncs, des pierres, ou sinon on traverse dans l’eau. Étonnamment, avec les chaussettes « Sealskinz », je n’ai jamais eu froid aux pieds. Et j’ai trouvé ces traversées très fun. Sauf une fois où l’eau était vraiment trop haute et/ou le courant trop fort. C’est d’ailleurs censé être l’endroit le plus difficile du PCT. Oliver et moi avons tenté, mais on a dû renoncer. Trop risqué. Il a donc fallu remonter un mile dans la neige, en s’enfonçant à nouveau, pour faire un détour. Mais là, la traversée s’est bien passée.


Le matin du septième jour, on est arrivés à Mammoth Lakes. Quelle semaine ! Dure, mais incroyable. Le segment le plus exigeant est derrière nous, et 1/3 du PCT est fait.


Peut-être que certains se demandent s’il ne serait pas plus simple et agréable d’attendre la fonte des neiges pour faire les High Sierras. Beaucoup le font : ils vont plus au nord, marchent un segment du PCT, puis reviennent des semaines plus tard. Je me suis aussi posé la question. Mais maintenant, je referais tout exactement pareil. Les expériences ont été incroyables. C’est vrai, on rate certaines vues parce qu’on marche souvent de nuit. Et c’est bien plus fatigant. Souvent, une fois au camp, on ne fait plus rien, on est épuisés. L’expérience doit être complètement différente sans neige. Mais j’ai trouvé ça magnifique, je me suis senti bien, et j’ai aimé le défi.


Maintenant, direction Kennedy Meadows North. Toujours de la neige, mais moins de dénivelé. Et pour la première fois après près de 1 500 km, je change de chaussures. Avec la neige, les traversées de ruisseaux et les « microspikes », elles ont bien souffert. Il était temps. Pour ceux qui se demandent : je porte des « Norda 002 ». Incroyablement durables et très confortables. Vous les trouvez à Bulle chez Trango Sport.


Malheureusement, mes deux bâtons sont cassés. J’ai donc dû en racheter, et je suis maintenant prêt pour la suite.


 
 
 

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